L'ARTICLE ORIGINAL PUBLIÉ PAR EL MOSTRADOR.CL, 13 agosto 2014
(Traduction al francés Christophe Cotte y Ana G. Bautista).
Après
plusieurs années de recherche au Chili et en Argentine Patagonie, l’historien
espagnol José Luis Alonso Marchante a publié "Menendez, roi de
Patagonie", le texte définitif, selon les experts, sur la réalité de
l’extinction des Selk'nam à Tierra del Fuego, qui était en fait commandée par
José Menéndez, le grand propriétaire du sud du Chili, dont la famille a deux
musées distincts à Punta Arenas, et qui est crédité du développement économique
de la région.
L’an
dernier, l’historien espagnol José Luis Alonso Marchante trouve à la
Bibliothèque nationale d'Espagne, le texte original "Trente ans de Terre
de Feu", du salésien missionnaire et grand naturaliste Alberto de
Agostini. Avec ce livre entre les mains, l'historien a constaté que dans
les éditions actuelles du texte, y compris de 2013, il manque des
paragraphes. Dans les textes censurés, le missionnaire était implacable:
l’extinction de la population de Selk’nam dans la Patagonie chilienne et
argentine n’était pas le fruit de leur "gourmandise
ignorante", des "guerres tribales" ou de leur
"physique misérable" raconté depuis de nombreuses années dans
l'histoire officielle, mais le produit de l’extermination et de l'expulsion
ordonnée par un seul homme, Jose Menendez, le grand propriétaire terrien de la
pointe sud du Chili.
"Les
explorateurs, les éleveurs et les soldats n’avaient pas de scrupules pour
attaquer les misérables Indiens, comme s’il s’agissait d'animaux ou de
jeux", lit-on dans les paragraphes censurés (De Agostini, 1929: 244).
Cette
constatation ainsi que d'autres témoignages importants sont contenus dans le
livre "Menéndez, roi de Patagonie" (Editorial Catalogne),
récemment édité au Chili et qui, selon les historiens experts en Patagonie,
comme Osvaldo Bayer, serait "le livre définitif sur la réalité de ce qui a
eu lieu dans le sud du Chili et de l'Argentine."
"Il
y a deux choses qui m'ont frappé dans la recherche: le génocide de tout un
peuple (de Selk’nam) au XXe siècle et le destin tragique des travailleurs (également
massacrés) qui travaillaient sur ces terres", dit Alonso Marchante presque
au début de la conversation avec Culture + Ville , ce qui explique sans
euphémisme la nature de la responsabilité pénale de celui qui était aussi le
grand-père de Enrique Campos Menéndez, écrivain et éditeur des factions
militaires du coup d'Etat de Pinochet.
CENSURE
La
censure dans le texte de De Agostini, dit Alonso Marchante, a été plus une
autocensure que les religieux ont appliqué à leurs livres après que la
congrégation ait été mise sous pression par la volonté de Menéndez de changer
l’histoire, et de blanchir le massacre réalisé par le latifundista le plus grand
du sud du Chili, qui accumula une des plus grosses fortunes d'Amérique latine
grâce au commerce de la laine.
"Les
premiers salésiens n'ont pas nié les massacres, les premiers, Fagnano et
De Agostini, étaient des gens qui étaient sur le terrain, qui ont construit des
missions à partir de zéro, et publié dans leurs revues comment ont été
exterminés les Indiens. Il y a eu plus tard un changement dans
l'historiographie des salésiens. Ceux qui viennent après sont déjà soumis à la
puissance économique de Menéndez, alors l’histoire de la colonisation est
réécrite, maintenant que les Indiens ont tout simplement disparu "sans
intervention des éleveurs", a déclaré Alonso.
MENÉNDEZ
EMPIRE
Dans
la région de Magallanes, à Punta Arenas spécifiquement, les demeures de la
famille Menéndez sont conservées comme des musées, comme la concrétisation, à
travers leur faste, de l’âge d'or de la région de
Magellan.
Le
livre explique que Menéndez, après un court séjour à Cuba, est arrivé dans
notre pays en 1868, et reçut peu de temps après des milliers d'hectares
comme cadeau du gouvernement chilien pour la colonisation dans le
sud. L’idée était d'apporter le développement économique dans la région et
d'établir des réserves indigènes. Dans ces années Mauricio Braun, un autre
immigré, avait également reçu des milliers d'acres, comme Julius Popper en
Argentine.
Alonso
Marchante note que, dans le cadre d'un investissement important, les familles
Menéndez et Braun sont réunies par le mariage de leurs enfants, et des terres des Popper,
après une mort étrange par un empoisonnement présumé, sont affectées à
Menéndez, transformant ce dernier en maître de toute la Patagonie chilienne et
argentine à travers la Société d'Exploitation de la Terre de Feu.
L'empire
économique, auquel sont venus s'ajouter banques et transport, provient du
commerce de la laine de mouton vendue à l'Angleterre en échange de livres
sterlings. L'implantation des moutons dans la région entraîne le déplacement du
guanaco, animal qui habitait ces régions, et selon le livre, est la source
de l'un des plus grands massacres des communautés autochtones, avec tout le
pouvoir éditorial de ces années-là pour couvrir le génocide.
L'EXTERMINATION
DE LA POPULATION SELK'NAM
"Lorsqu’ils
ont commencé à déplacer les moutons, parce que toute la richesse des dynasties
économiques était basée sur le bétail de la laine", dit l’historien,
"a commencé la nécessité d’avoir d’avantage de terrains pour
finalement s’implanter dans le territoire des Selk’nam".
Après
l'installation dans la région, le terrain est divisé par des
barbelés, et le guanaco se voit cantonné dans des régions plus
élevées.
"Une
fois que le guanaco disparaît les Selk’nam commencent à mourir de
faim. Quand ils se rendent compte de l'apparition du mouton , ils
commencent à se nourrir de cet animal et considèrent cela comme quelque chose
de tout à fait normal, ne sachant pas vraiment comment ces moutons sont apparus, et
ne connaissant pas le principe de propriété", explique l’historien.
"Quand
les Selk'nam commencent à attaquer les moutons, José Menéndez donne l'ordre de
les tuer. Ils le font d'abord en les faisant disparaître pour les exterminer,
puis commence la chasse des femmes et des enfants, pour les exhiber dans des
lieux publics", dit Alonso, qui affirme que c'est longtemps après la
présentation des populations indigènes comme des bêtes de cirque, dans ce
qu'ont appelé des "zoos
humains".
La famille Menéndez, en particulier José
Menéndez -remarque l'historien- était à l'origine du massacre. "José
Menéndez a commencé par prendre comme contremaître et administrateur un certain
Alexander Mc Lennan, d'origine écossaise (surnommé Le cochon rouge), qui a été le
plus grand tueur de populations autochtones et reconnu pour cela. Il a reçu des
ordres directs de José Menéndez, il était son employé". Le livre affirme
que pour chaque Indien mort, Menéndez a payé une livre, de sorte que dans la
fortune amassée par l'Ecossais, on peut même calculer le nombre d’Indiens tués
qui, selon les versions d'autres historiens, pourrait s’estimer à plusieurs
centaines, voire des milliers. "Quand Mc Lennan a pris sa
retraite, José Menéndez lui a donné une montre de luxe en remerciement de
tous ses services", dit-il.
LA
VERSION OFFICIELLE
"J’ai
réussi à contacter un arrière-petit-fils d'Alexander Mc Lennan, qui m’a dit qu’on
n’avait pas le droit de tuer les Indiens, mais que grâce à son grand-père et à
José Menéndez, aujourd'hui il n’y a pas d’Indiens dans Tierra del Fuego et pas
de problèmes. Et ils me l’on dit en 2014", rappelle avec étonnement
l'historien. Depuis de nombreuses années l'histoire officielle avait pour but
de dissimuler les crimes qui ont même été considérés comme un sport.
En
1971, l’historien et descendant du clan, Armando Braun Menéndez, porte- parole
des éleveurs, a déclaré que la cause de la mort des Indiens étaient leurs
habitudes alimentaires. "Il a souvent été observé à côté des restes d'une
baleine, les corps des Indiens, arrivés en retard à la fête, victimes de leur
gloutonnerie ignorante" (Braun 1971: 135). Il insiste tellement sur le
sujet, qu’il écrit que "leur état physique était si misérable qu’ils ne
pouvaient pas supporter leur propre
climat".
Cette conjecture absurde, Alonso explique dans
son livre, a frappé l’ethnologue suisse Jean-Christian Spahni, qui a dit:
"Mes recherches autour des habitants m’ont montré que le génocide a
réellement existé et a été causé justement par les propriétaires qu'Armando
Braun essaie de défendre". Un autre des héritiers des propriétaires
terriens, l'écrivain préféré de Pinochet, Enrique Campos Menéndez, a même
exprimé ses soupçons sur un possible cannibalisme des Selk'nam! L'histoire officielle de la négation du
génocide est telle qu'un autre des héritiers, Eduardo Braun Menéndez, a obligé
"le scientifique Alexander Lipschutz (Prix National Science 1969) à
supprimer toute référence à la chasse autochtone, en tant que préambule
à la publication de ses essais dans la revue Science et recherche, qu'a dirigé
le petit-fils de José Menéndez".
LA PATAGONIE TRAGIQUE
En
plus de l’extermination des onas, le livre d’Alonso touche un autre sujet
sensible en Patagonie, qui concerne la tuerie de plus de 1.400 ouvriers
chiliens en 1921.
Ces
crimes ont été rassemblés dans un livre appelé La Patagonie tragique, publié en
Argentine en 1928 par José María Borrero. Dans ce livre, il y avait une
dénonciation à chaque page; un peu plus tard, il est devenu un mythe après
avoir disparu des librairies. Un deuxième texte, vraisemblablement appelé
Orgies de sang, qui selon le mythe racontait les assassinats de 1921, est
devenu une légende car on assurait que le manuscrit avait été volé et brulé.
Une
partie de cette histoire a été recueillie avec une rigueur scientifique par
Osvaldo Bayer, qui a publié La Patagonie rebelle en 1972, un livre témoignage
de non fiction qui traitait de la lutte des travailleurs anarcho-syndicalistes
en rébellion de la province de Santa Cruz en Patagonie argentine entre 1920 et
1921. Cette histoire a commencé comme une grève contre l’exploitation
des ouvriers par leurs patrons, ensuite réprimée par l’armée sous les ordres du lieutenant
Héctor Benigno Varela, envoyé par le président du moment, Hipólito Yrigoyen.
"Des
centaines de peones des fermes ont été fusillés, la plupart d’entre eux étaient
chiliens, mais il y avait aussi des asturiens, argentins, allemands, italiens.
Ce sont les deux grandes tragédies de cette histoire, je crois que l’on ne peut
pas regarder cette histoire en souriant parce que c’est une histoire tragique,
les peuples qui ont habité ces terres pendant des millénaires ont disparu d’une
manière brutale, et il y a eu de plus une répression sauvage sur les peones qui
ont travaillé ces terres", maintient Alonso Marchante, ; à propos de son
livre, Bayer reconnaît que "après cette accumulation de preuves personne
ne pourra considérer les version critiques, qui sont nées à mesure
que les faits avaient lieu, comme exagérées ou comme un produit de l’imagination".
–¿Comme
historien, pensez-vous qu’il y a eu une responsabilité de l’État chilien dans
ces massacres?
–Les
peones ont été fusillés par l’armée argentine, mais la plupart d’entre eux
étaient chiliens, et les autorités chiliennes non seulement n´ont pas haussé la
voix, mais ont aussi collaboré avec les autorités argentines pour garder le
silence. Ceci a été démontré par Osvaldo Bayer il y a longtemps, quand il a
découvert que les carabiniers chiliens amenaient même les peones en Argentine,
où l’armée de ce pays les a fusillés. Il est vrai que ces faits ont eu
lieu il y a presque un siècle, mais les États doivent les reconnaître. En
Argentine, dans la zone où les fusillades ont eu lieu, dans chaque quartier où
il y a eu un centre de détention il y a des plaques qui identifient que dans
ces lieux des gens ont été tués. Je ne connais aucun hommage à ces peones de la
part des autorités chiliennes.